Le Sénat mexicain dans des volutes de marijuana

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Des effluves de marijuana chatouillent depuis quelques mois les narines des législateurs mexicains qui vont être appelés avant la fin 2020 à dépénaliser cette substance.

Un groupe de militants opiniâtres qui prône la légalisation de l’herbe s’est installé depuis février sous les fenêtres du Sénat à Mexico, donnant quelques couleurs à ce lieu austère.

Pour mieux convaincre les occupants du bâtiment, ils en ont planté près de l’une des entrées. La pluie et la chaleur aidant, les pousses atteignent 2 m de haut.

«Nous revendiquons d’abord nos droits en tant que consommateurs responsables, avant de penser aux intérêts du marché», explique à l’AFP Enrique Espinoza, 30 ans, membre du Mouvement Cannabique Mexicain.

Une vingtaine de jeunes veillent sur les plants tout en s’adonnant à la cuisine et à la fabrique de produits à base de chanvre, en musique.

La règle en vigueur ici est de ne pas toucher aux plantes pour les fumer. Elles se veulent un symbole de la lutte pour la dépénalisation. Chacun apporte donc ses joints.

Non à l’extorsion

Au Mexique, la consommation de marijuana à des fins récréatives est autorisée depuis 2015, mais pas sa vente.

En outre, chaque personne n’a le droit d’en posséder sur elle que cinq grammes, ce qui n’est pas toujours commode à vérifier lors d’une inspection de police.

«Nous en avons assez de l’extorsion des policiers qui nous imposent des amendes pour nous laisser passer», tempête Enrique Espinoza.

Les tentatives afin d’augmenter la dose minimale de cinq grammes ont jusque-là échoué au Congrès, mais la justice a fixé au 15 décembre la limite pour légiférer.

Entre-temps, la plante a d’ores et déjà été retirée de la liste des «médicaments absolument interdits», en permettant ainsi la consommation à des fins thérapeutiques.

Nicolas Guerra, 23 ans, coursier, défend avec ardeur les propriétés médicinales du cannabis. Il en fume depuis quatre ans pour surmonter une névrose.

«La marijuana et les arts martiaux m’ont aidé à diminuer ma névrose. C’est mon médicament et c’est la raison pour laquelle je suis favorable à sa légalisation», raconte-t-il.

Depuis l’installation de la plantation, une douzaine de sénateurs se sont déjà présentés pour s’adresser aux militants.

«On leur a dit de ne pas se comporter comme des moutons», lance Enrique Espinoza.

Un remède contre la violence?

Pour la cinquantaine d’organisations qui militent pour la libre consommation de cannabis au Mexique, la loi à adopter devra autoriser la «possession simple et suffisante» d’herbe, que les usagers ne soient pas répertoriés, que la consommation soit libre dans des espaces adéquats et que l’exploitation de la plante toute entière soit accessible.

Si elle est adoptée, le Mexique ira dans le sillage de l’Uruguay, qui a adopté en 2013 une loi autorisant la vente en pharmacie de marijuana provenant de plantations privées sous contrôle de l’État, en plus des cultures domestiques et coopératives.

Les autorités uruguayennes souhaitaient rogner sur le marché des trafiquants, un objectif qui a été atteint puisque la consommation de marijuana fabriquée illégalement a été divisée par cinq entre 2014 et 2018, selon les chiffres officiels.

Le Mexique, où la marijuana est la drogue la plus couramment saisie avec 185 tonnes cette année, souffre de la violence liée au trafic, qui est stimulé par sa proximité avec les États-Unis, principal consommateur de stupéfiants.

Depuis 2006, lorsque le gouvernement mexicain a militarisé la lutte contre les cartels, 296 000 meurtres ont été enregistrés.

Le président de gauche Andres Manuel Lopez Obrador, qui attribue la plupart des meurtres au crime organisé, a déclaré à plusieurs reprises son intention de légaliser certaines drogues dans le cadre de sa politique sécuritaire.

En attendant que les législateurs mexicains se prononcent, Céleste, 27 ans, livreuse de profession, estime que le «jardin» de cannabis au pied du Sénat est un «bastion» de liberté.

«Pourquoi devrions-nous nous cacher?», dit-elle, le visage noyé dans ses volutes de fumée.

A lire sur : journaldemontreal.com

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