Interview : Entre la presse et la musique, Phaduba se décide !

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Au compte de cette semaine, on vous propose l’interview que l’artiste rappeur et chroniqueur guinéen, Phaduba a accordé à Tabouleinfos.com. Dans cet entretien, le compagnon de Sagnolik nous a parlé de son arrivée dans la presse, le projet du double album de son nouveau groupe ‘’Ultimatum’’, les raisons de la dislocation de son ancien groupe ‘’MAS’’ et autres.

Ci-dessous, découvrez cette interview !

Tabouleinfos : En dehors de la musique, Phaduba est chroniqueur politique. Dites-nous comment vous vous êtes retrouvé dans le monde des médias ?

Phaduba : C’est avec plaisir que je réponds à cette question. J’ai été contacté dans le cadre d’une animation culturelle. Peut-être c’est compte tenu de la poigne que j’ai toujours eu dans mon texte. Je pense que c’est ce qui m’a offert cette opportunité. Musicalement, j’ai toujours eu des textes très engagés. Il y a plus de deux décennies, été activiste quelque part, acteur de la société civile. C’est ce qui a prévalu à cette proposition qui m’a été faite pour être chroniqueur sociopolitique sinon au départ je suis parti pour animer une émission culturelle… J’ai bien voulu accepter le challenge, parce que j’aime les défis. Disons que préalablement, je n’avais jamais parlé autant de politiques. Certes pour que le bas peuple comprenne, mais aller jusqu’à pouvoir lire plus ou moins ce qui se trouve l’autre côté de la plaque, c’est la première fois.

Tabouleinfos : Comment qualifiez-vous cette expérience pour un artiste déjà habitué du milieu culturel ?

Phaduba : C’est une expérience à vivre. Ce n’est pas des opportunités qu’il faut laisser filer. D’autant plus que ça te permet d’apprendre, te cultiver d’avantage et surtout de pouvoir défendre ton point de vue, ta lecture même de la vie sociopolitique… J’essai aussi de défendre cette conviction que j’ai toujours eu. Je suis dedans comme étant la voix des sans dent. Rien ne change pour autant. Les valeurs que je défends dans mes textes, je pense que c’est les mêmes valeurs que je suis tenu de défendre en tant que chroniqueur. C’est la même lecture que dois laisser paraitre là-bas, c’est-à-dire ce que pense le bas peuple. Je ne suis pas là-bas pour moi. Je suis là-bas pour représenter cette société un peu marginaliser…

Tabouleinfos : Phaduba artiste rappeur et chroniqueur, dites-nous comment vous parvenez à mener ces deux professions sans que l’une n’impacte l’autre ?

Phaduba : L’une ne peut pas impacter l’autre à partir du moment où l’analyse ne change pas. Disons que c’est le même type de préparation. Pour préparer une musique, on est obligé d’aller s’informer. Personnellement, pour écrire une musique, je me documente. J’essai d’aller chercher les idées que les gens n’ont pas ou ils ont du mal à comprendre. C’est cette différence que j’aime souvent apparaitre dans mes chansons. Ce sont les mêmes efforts que je suis appelé à fournir lorsque je dois intervenir dans mes différentes émissions. Donc du coup j’arrive à concilier les deux. Je suis obligé d’écouter tout le monde pour mieux comprendre les problèmes de nos compatriotes… Ce n’est qu’un atout supplémentaire que j’ai en tant que chroniqueur. Ça ne diminue à rien mon côté artistique. Par contre, ça renforce ma culture générale et ma conviction.

Tabouleinfos : Que comptez-vous devenir dans la presse dans les années à venir ?

Phaduba : C’est une belle question. L’image que je veux, c’est la même image que j’ai toujours projeté. C’est-à-dire celui là qui essai de façonner ou créer un nouveau type de guinéen à travers mes analyses pour que d’autres personnes puissent s’en inspirer. Pour le moment, je me plais bien dans ce métier supplémentaire de chroniqueur. Je pense qu’avec le temps, tout va se dessiner. En tant qu’artiste engagé, j’ai toujours joué à la fois le rôle de journaliste. Parce que c’est les mêmes thèmes qu’on débatte dans les différentes chroniques. Sauf qu’on n’avait pas jusqu’ici les mêmes moyens d’expressions. Mais aujourd’hui, si j’ai la chance de faire les deux, je pense que je vais concilier musique et cette activité de chroniqueur. Parce que ce n’est pas un métier pour autant, je suis un diariste, je touche un peu à tout. Je pense qu’avec le temps, les choses vont se dessiner. Le journaliste, l’artiste et le politique, il n’y a que des traits d’union. Certes, je suis artiste, demain je pourrai être converti cent pour cent (100%) journaliste ou pourquoi pas politique. Pour le moment, je suis en apprentissage. J’apprends le métier de journalisme, je ne peux pas me conforter d’abord dans ma position, parce que j’ai à peine sept (7) mois en tant que chroniqueur… Pour le moment, j’ai beaucoup à apprendre pour parfaire mes analyses de l’actualité sociopolitique, culturelle… J’aime bien ce métier. J’essai de tout faire pour me surpasser et faire la différence.

Tabouleinfos : Avant la crise sanitaire, Phaduba et Sagnolik étaient sur un projet de double album au compte du groupe ‘’Ultimatum’’. Dites-nous, comment se porte ce projet et quelle est l’étape suivante ?

Phaduba : Comme la plupart des terriens, on est tous confronté au même problème aujourd’hui, qui est le coronavirus. J’invite l’ensemble des citoyens à prendre d’avantage les mesures conseillées par les spécialistes pour qu’on puisse vaincre ce virus. On a présenté l’album au Centre Culturel Franco Guinéen (CCFG). La suite n’était une présentation à la presse, aux acteurs culturels, aux entreprises. L’idée était de sortir quelques temps après, très malheureusement, le moment qu’on avait fait la projection, on avait  déjà eu une date pour le palais du peuple (le 6 novembre 2020), vers le mois de mars, les choses ont commencé à prendre la tournure qu’elles ont jusqu’à aujourd’hui. Le monde s’est arrêté, la culture a cessé de fonctionner. Pour le moment, on est en train de subir cela et il est très difficile de se projeter. Ce qui est sûr, le projet est toujours en cours. On avait des déplacements à faire l’année dernière. On a vu des dates qui se sont annulées, des collaborations, surtout avec le rap américain qui s’est annulé. Et même le rap français, on avait prévu une grosse tête d’affiche ici à Conakry à la sortie de notre album. Mais très malheureusement ! Pour le moment, on est dans un, flou artistique, difficile de se projeter. On essai de trouver en ce moment un autre moyen pour exister et faire découvrir le double album qu’on a préparé. Bientôt, les gens pourront avoir dans leur ‘’collector’’ quelques titres qu’on va balancer au fur et à mesure.

Tabouleinfos : Il y a plusieurs années que votre premier groupe de rap ‘’MAS’’ s’est disloqué. Pouvez-vous nous parler des raisons de votre séparation ?

Phaduba : Revenir sur les vraies raisons, je suis très souvent revenu la dessus. S’il y a eu de l’incompréhension à un certain moment. Il y a eu pas mal de divergence entre mes amis et moi, mais je crois qu’avec le temps, on a pu taire tout cela. Parce qu’il faut rappeler que dix sept (17) années sont passées depuis la sortie de notre album, bientôt dix huit (18) ans. L’album est sorti en 2003. La séparation était dommageable pour tout un chacun. Mais avec le temps, je pense que les divergences qu’on avait, on a pu les taire. Aujourd’hui, je suis très souvent avec les anciens membres. On essai même de rééditer l’album de ‘’MAS’’ pour qu’il puisse être disponible sur You Tube et ça sera fait très rapidement. Je sais que jusqu’aujourd’hui, il y a des gens qui sont nostalgiques de cet album. On reçoit beaucoup  d’appels. On a pris la charge de le rééditer pour le bien des mélomanes et les nostalgiques, surtout pour la nouvelle génération, histoire de leur dire que ça rappe depuis longtemps.

Tabouleinfos : Un message pour les rappeurs de la nouvelle génération ?

Phaduba : Le message est qu’ils n’ont qu’a essayé de rester eux-mêmes et qu’ils sachent que tant que tu fais le rap, tu as une certaine responsabilité vis-à-vis du monde. La musique c’est créé à version contre les injustices et les dictâtes qui  nous sont imposés. Il faudrait que l’on garde cette valeur. Pour le moment, je pense que la plupart des problèmes dans les pays africains et même dans le monde sont encore primaires. Donc il ne faudrait pas qu’on oublie l’essentiel. La musique c’est le message, l’enseignement et la transmission. C’est bien de faire danser les gens. Dans toute chose, il faut un peu de récréation, je suis d’accord. Mais il ne faudrait pas que les gens oublient les valeurs qui font de nous les africains. Mais aussi les valeurs qui font une société patriarcale ou matriarcale. Il est important que l’on garde nos coutumes et même lorsqu’on est dans un monde moderne. Parce que c’est par cela qu’on peut nous identifier. Et l’éducation d’un peuple est l’élément essentiel pour son épanouissement… J’invite la nouvelle génération de garder nos valeurs…

Tabouleinfos : Le mot de la fin ?

Phaduba : C’est d’inviter l’ensemble des guinéens à se donner la main. L’épanouissement d’un pays ou d’un peuple dépend de son degré d’unité. Donc il est important qu’à un moment donné qu’on sache taire les divergences et qu’on sache qu’on est dans une seule et unique nation. On n’a pas choisi d’être ensemble, c’est la nature qui a voulu qu’on soit ensemble. Donc à un moment donné, malgré nos points de vue qui ne sont pas forcement les mêmes et qu’on arrive à trouver un point de conjonction qui nous permet de bâtir une nation prospère pour les futures générations.

Aboubacar Fodé Bangoura

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