Ras NiemJah, à l’état civil Aboubacar Sidiki Camara, est le président de la Communauté Rasta de Côte d’Ivoire et le père-fondateur du village Rasta de Vridi (Abidjan). Il est également chanteur reggae, auteur, compositeur, arrangeur et producteur. Originaire de la Guinée, il a passé tout son temps en dehors de son pays natal. Présentement en séjour à Conakry, il nous accordé une interview dans laquelle il nous a parlé de sa visite au bercail, l’existence de la Communauté Rasta de Côte d’Ivoire, la destruction du village rasta de Vridi. Mais aussi de sa carrière musicale, sans oublier son nouvel album ‘’Higher’’ en hommage à sa mère ‘’Ma Djene’’.
Ci-dessous, découvrez cette interview !
Tabouleinfos : Qu’est-ce qu’on peut retenir de votre séjour en Guinée ?
Ras NiemJah : Mon séjour ne fait que commencer. Je découvre mon pays d’origine, le pays de mon père et de ma mère en compagnie de mes frères qui me permettent de me ressourcer.
Tabouleinfos : Parlez-nous de la Communauté Rasta de Côte d’Ivoire ?
Ras NiemJah : Comme toutes les communautés en général, c’est une communauté de frères et de sœurs qui essaie de vivre en harmonie pour le bien-être de l’Afrique. Nous œuvrons toujours pour l’amour de l’Afrique. Donc c’est le one love qu’on est en train de cultiver. La Communauté Rasta de Côte d’Ivoire comme toutes les autres, essaie de se mettre en place et faire du mieux qu’elle peut pour le progrès des membres de la communauté, aussi participé au programme culturel du pays.
Tabouleinfos : Comment les rasta sont-ils vus en Côte d’Ivoire ?
Ras NiemJah : Présentement, les rastas sont bien vus. Ce n’a pas été le cas au début. Dans d’autres pays aussi ça n’a pas été facile, même la Jamaïque. Les rastas faisant de leurs talents, leurs œuvres, leur manière de penser, les gens finissent par découvrir le rasta comme un homme positif, un être africain qui a l’amour de son prochain. Mais qui aime son continent… D’où le ‘’one love’’.
Tabouleinfos : Vous êtes le leader la Communauté Rasta de Côte d’Ivoire. Dites-nous ce que vous aviez pu apporter à ce mouvement ?
Ras NiemJah : En tant que membre avant de parler du rôle de président, je suis à l’origine de la création du label Conquering Lion Production qui a produit plus d’une dizaine d’artistes en Côte d’Ivoire. Mais aussi des artistes de la sous-région. C’est un label que nous avons créé pour les rastas et faire connaitre les messages des rastas. Cela a vachement contribué à la connaissance et l’établissement des rastas en Côte d’Ivoire. Nous n’avons pas fait que cela. Nous avons monté des groupes de musiciens qui font aujourd’hui la fierté de la Côte d’Ivoire. Nous n’avons fait que le travail de rasta. Positive vibration…
Tabouleinfos : Quel a été votre état d’âme suite à la destruction du village rasta de Vridi à Abidjan par la police en 2012 ?
Ras NiemJah : J’ai été choqué. J’ai même eu à faire une conférence de presse. Nous avions porté plainte à la justice. Jusqu’à présent, le pourquoi du comment, nous les rastas, nous ne pouvons pas le dire. Nous savons que des gens sont venus en uniforme (des gendarmes, loubards…). Tous ceux-là réunis en un, on ne peut pas dire si c’était la loi ou les gangsters qui étaient là. La réaction du ministre de la Culture de ce moment a été positive. Car le ministre était venu sur les lieux et il a fait une petite déclaration. Parce que c’était anticonstitutionnel. Mais il n’y a pas eu de suite et même devant la justice, ils ont dit que la personne qui a été responsable de la destruction qui porte le nom de Zayer et que ce monsieur était coupable, mais était couverte par la diplomatie. C’est ça qui a été notre grande surprise. Comment des diplomates peuvent se permettre de faire des choses dans d’autres pays ? Nous n’avons pas compris grand-chose, mais toujours est-il que c’est resté comme ça. Le gouvernement n’a pas eu de réaction plus que ça.
Tabouleinfos : Selon vous, quel rapport existe entre le rastafari, les dreadlocks, et la Gandja ?
Ras NiemJah : Vraiment, je ne saurai donner le rapport entre le dreadlocks et le rasta. Bob Marley l’a déjà chanté. Rien qu’à partir de cette chanson, on peut savoir qu’est-ce que c’est que dreadlocks et rasta. La Gandja, c’est une herbe qui est fumée par tout le monde, des Indous, des bayfall. En ma connaissance, ce n’est pas lié à rasta. Peut-être que le rasta utilise la gandja, mais il n’a pas été le premier et il ne sera pas le dernier. Donc je ne peux pas dire le rapport existant entre le rasta et la gandja, sinon à mon niveau, je dirai qu’il n’y a pas un grand rapport. Parce qu’on peut être rasta sans fumer la gandja, comme on peut fumer la gandja sans être rasta.
Tabouleinfos : Vous aviez rencontré le Mouvement Rasta de Guinée (MOURAG) pour une prise de contact. Peut-on s’attendre à une coopération entre votre communauté et celle de la Guinée ?
Ras NiemJah : C’est le but du rastafari de réunir tous les enfants positifs qui veulent le bien de l’Afrique. Les rastas en Guinée, si vous voyez comment ils sont organisés déjà et ce qu’ils essaient de faire, vous allez comprendre la positivité qui y existe. C’est la même chose chez les autres frères, l’envie de croiser les uns, les autres. Il faut savoir qu’il y a beaucoup de contacts entre nous même si ça ne parait pas intercommunautaire, il y a des membres de nos différentes communautés qui se fréquentent. Il y a des rastas de la Guinée qui ont été en Côte d’Ivoire. Ils ont des frères et amis là-bas. Il y a des rastas ivoiriens qui sont venus en Guinée. Il y en a qui ont eu l’opportunité de venir avec Lyricson et ils chantent les merveilles de la Guinée en Côte d’Ivoire. Les rastas, tout ce qu’ils demandent, c’est d’unir l’Afrique. Quant à eux, ils sont déjà unis dans l’esprit, la manière de comprendre les choses… Les frontières, ce n’est pas nous qui les tenons. Sinon s’ils tenaient qu’à nous, l’Afrique serait un seul pays.
Tabouleinfos : En dehors de votre foi rasta, vous êtes artiste chanteur reggae. Rappelez-nous de votre carrière musicale ?
Ras NiemJah : J’ai plus d’une vingtaine d’années de carrière musicale. Personnellement, la notion de date n’est pas trop mon histoire. Mais je vous dirai que j’ai fait quelques œuvres. J’ai eu à sortir quelques albums en Occident. En Europe, j’ai fait quelques collaborations avec les artistes de les Caraïbes. C’est maintenant, j’essaie de me faire connaitre par ici. La durée de ma carrière artistique a été faite en dehors de l’Afrique. Sauf la production. J’ai créé le label Conquering Lion Production. J’ai écrit pour bon nombre d’artistes. J’ai réalisé des albums… Ce n’est pas facile de parler de soi. J’ai passé plus de temps à m’occuper des gens que ma carrière personnelle.
Mon dernier album s’appelle ‘’Higher’’. Il est composé de 10 titres. Il a été fait entre les Caraïbes, la France, en Côte d’Ivoire. J’ai mixé une partie en Jamaïque, à Londres et en France.
Tabouleinfos : Le mot de la fin !
Ras NiemJah : Je dis merci à Tabouleinfos de m’accorder cette interview. Je remercie la Guinée et les guinéens. Je n’oublie pas de remercier le couple par lequel j’ai pu vraiment découvrir mon pays et rencontrer tout ce beau monde. Lyricson et Mme, vraiment big up !
Aboubacar Fodé Bangoura