Mort de Momo Wandel Soumah : 18 ans après, son fils spirituel fait des révélations. (Interview)

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Le 15 juin 2003, l’artiste chanteur, compositeur et saxophoniste guinéen Momo Wandel Soumah est décédé à l’âge de 77 ans. A l’occasion du dix-huitième anniversaire de sa disparition (le 15 juin 2021), l’équipe de Tabouleinfos.com a rencontré le saxophoniste, Maître Barry pour nous parler de son père spirituel.

Momo Wandel Soumah était un artiste qui avait un style très particulier. A travers sa voix rauque, on le reconnaissait très facilement dans le paysage musical africain et d’ailleurs.

A la paillote, sise dans le quartier Camayenne, Mamadou Aliou Barry communément appelé Maître Barry s’est prêté à nos questions concernant son père spirituel.

Tabouleinfos.com : Qu’est-ce que vous retenez de Momo Wandel ?

Maître Barry : Je retiens d’abord la perte d’un papa. Pour la simple raison il a partagé plusieurs fois avec mon père. Ils étaient des amis très d’accord. Et Dieu a fait les choses, je suis revenu et j’ai continué le même travail avec lui. Je retiens de lui un papa gentil, ouvert, très communicatif qui avait le temps de causer avec les jeunes et de leur donner des conseils. C’est ce que je retiens de lui. Professionnellement compétent. Il a pris les instruments traditionnels de Guinée pour exécuter la musique jazz là-dessus, comme le bolon qui avait trois cordes. Puis qu’il a voulu remplacer la guitare basse qui a quatre cordes, donc pour lui, il fallait mettre les quatre cordes. C’est Amadou Bolon qui le jouait souvent et il le dit, ‘’Grâce à Momo Wandel qu’il a commencé à jouer le bolon à quatre cordes… Il était décidé de faire une école de jazz en Guinée, parce que jazz est une musique africaine. Il avait un projet de tournée de festival de jazz en France. Il était invité comme référence… A ce festival de jazz, alors qu’il avait tout mis en œuvre, le contrat était signé avec Laurent Chevallier. Malheureusement, Dieu l’a rappelé. Quand il est décédé, j’étais en tournée avec le Bembeya Jazz National. C’est par la suite qu’on m’a appelé. Quand j’étais au téléphone j’ai pleuré comme un bébé. Pour la petite histoire, c’est à la paillotte là même qu’on était en répétition avant notre départ pour les Etats Unis. De passage, il est rentré, ‘’il m’a dit écoute mon fils ne part pas en tournée sans passer me voir à la maison.’’ C’est ce qui fut fait. Je suis passé le voir chez lui. On s’est enfermé à deux, on a parlé. C’est comme si c’est quelqu’un qui sentait sa mort venir… Il m’a donné des secrets. Voilà le chemin que j’ai suivi pour être là où je suis aujourd’hui. Puis il m’a dit, ‘’ne restes pas longtemps, si tu reviens, je te donnerai mon secret pour que tu puisses continuer mon œuvre. Mais pas pour me remplacer, mais pour me succéder. Parce que je que je vois en toi, un garçon intelligent qui pourrait jouer avec mon saxophone. Le même jour, je lui ai demandé s’il pouvait me laisser le saxophone partir avec Bembeya Jazz aux Etats Unis. Il m’a dit de ne pas me presser, même s’il ne sera pas là, je donnerai des instructions à ma famille afin que tu puisses l’utiliser. C’est ainsi qu’on s’est quitté et j’ai pris ma valise pour l’aéroport. Arriver en Belgique, on a tourné. De retour à Paris, Jeannot Williams m’appelle, c’est la musique de Momo Wandel que j’entends. Puis il me dit,  »oui, c’est vrai ton papa est décédé. » J’étais dans tous mes états. Le secret qu’il devait me donner, je ne peux plus l’avoir.

Mais en plus, le projet de Marciac, il n’y avait personne pour le faire. C’est là que Laurent Chevallier m’a appelé, parce qu’il sait qu’en matière de saxophone, tout ce que Wandel faisait, je peux le faire. Mais la différence qu’il y avait entre nous, c’est la voix qu’il avait. Pour joindre l’utile à l’agréable, j’ai dû prendre des filles pour chanter et danser pendant que je joue au sax. C’est ce qui fut fait. On a présenté le projet à Marciac et il a été accepté. Je suis allé avec son groupe et j’étais le seul saxophoniste. C’est là-bas que j’ai eu l’appellation du ‘’fils spirituel de Momo Wandel’’.

Tabouleinfos.com : Qu’est-ce qu’il représentait pour vous ?

Maître Barry : Il représentait pour moi une référence en matière de saxophoniste. D’abord, les gens pensent que Momo était un piètre instrumentiste. Il était un haut cadre de l’Etat. A l’époque  quand nous étions tout petits. Il a été l’un des meilleurs télétypistes à l’époque à la poste et communication. Dans le style de l’alphabet Morse, il était champion. Il a scionné beaucoup de régions avant d’être en Guinée. Il a commencé par la guitare banjo avant de revenir au saxophone.  

Tabouleinfos.com : Quel était le poids de Momo Wandel en Afrique comparativement à Manu Dibango ?

Maître Barry : Les goûts et les couleurs ne se discutent pas. De mon côté, je peux dire qu’il était le meilleur. Parce que du côté de la BBC, il a été classé comme l’un des meilleurs saxophonistes d’Afrique. La Guinée est passée sous silence. On en a parlé il n’y a pas longtemps. On pouvait se servir de la balle au rebond pour essayer de propulser le musicien qu’il était. Mais Momo, la force qu’il avait, il pouvait te parler tous les rythmes de la Basse Côte jusqu’en forêt. Dire leurs noms, mimer leurs rythmes et même jouer au sax avec. C’est cette force qu’il avait par rapport à Mano Dibango qui faisait la soul  »makossa ». Momo avait beaucoup plus de temps d’être dans le folklore africain de Guinée. Il n’a pas eu certainement cette chance d’être présenté par les journalistes guinéens comme le meilleur. Mais qu’à cela ne tienne avec son travail, il était parmi les meilleurs. Je parle sous le contrôle de beaucoup d’instrumentistes avant pour avoir partagé la scène avec lui. C’était un monsieur physiquement très bien, intelligent et très ouvert.

Tabouleinfos.com : A part Maître Barry, est-ce que la Guinée pourra compter sur la nouvelle génération de saxophoniste ?

Maître Barry : Bien sûr que oui ! La Guinée peut compter sur la nouvelle génération. Il s’agit tout simplement de faire des journées culturelles, expliquer le bien fondé de l’instrument. Parce que les pays qui nous entourent n’avaient pas d’instrumentistes avant. Il s’agit de parler de ce genre d’instrument pour que les jeunes s’y adonnent. Sinon actuellement…il y aura des saxophonistes, mais je ne suis pas sûr qu’il y ait quelqu’un qui puisse un peu suivre les traces de Momo Wandel. Parce que tout simplement, la jeunesse d’aujourd’hui, sont pour la facilité. Je suis désolé, mais il faut le dire en tant que doyen. Si on ne dit pas la vérité, on sera obligé de mentir.

Tabouleinfos.com : Qu’est-ce que vous prévoyez faire le 15 juin prochain pour immortaliser Momo Wandel ?

Maître Barry : C’est le seul regret que j’ai. Avec cette pandémie, tout est en stand-by. Là où on jouait à ‘’Echo Délice’’ chez Justin Morel Junior et à ‘’1000 Pattes’’ quand il y a eu la décision de fermer les boîtes de nuit, jusqu’à présent ces lieux sont fermés. Mais à ma manière de faire, peut-être si une chaîne de télévision m’invite pour faire des a capellas avec le saxo, je jouerais quelques titres de Momo Wandel, comme je l’ai fait pour Mano Dibango. Mais dire que nous jouerons dans la configuration musicale, ce n’est pas évident. Parce que jusqu’à présent les activités culturelles n’ont pas commencé.   

La suite de l’interview à lire dans les jours à venir.

Aboubacar Fodé Bangoura

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