Aboubacar Camara, alias Bouba Mengué lead vocal des « Espoirs de Coronthie » est né à Kindia en 1985. Fils de feu Soriba et Fatoumata Camara, il est marié et est père de 6 garçons. Artiste, Booba Mengué fait la promotion de la musique traditionnelle.
Dès son admission au collège, la pauvreté l’a contraint d’abandonner les études et a choisi la musique comme alternative. Rencontré ce mardi 28 janvier 2025 au complexe Balafon situé à Tombo 1 dans la commune de Kaloum, le concepteur du morceau « Daddy mou Pepou kolon » qui lui avait créé des ennuis a longuement parlé de sa carrière notamment au sein des Espoirs de Coronthie en étant plus explicite sur ses moments de détresse. Il revient aussi sur la transition en cours et prodigue des conseils au Général Mamadi Doumbouya.
AFRICAGUINEE.COM : Parlez-nous de vos premiers pas dans la musique ?
BOUBA MENGUÉ : Pour commencer, je suis Camara Aboubacar alias Bouba Mengué. Je suis artiste guinéen, membre du groupe les « Espoirs de Coronthie ». Un groupe qui a fait la fierté de ce pays. C’est par amour que je me suis lancé dans la musique. J’ai commencé à chanter à l’école primaire Tombo 1 en classe et pendant les récréations. Quelquefois, je partais également au bord de la mer pour chanter. Malheureusement je n’ai pas terminé les études. Vous savez, financer les études n’est pas facile en Guinée. Après la classe de 6ème année, j’ai eu du mal à continuer les études. C’est pourquoi j’ai abandonné l’école au secondaire pour me lancer dans la musique à l’âge de 14 ou 15 ans. Au début ce n’était pas facile mais avec courage et persévérance, le résultat est arrivé. On s’est sacrifié pour faire un bon boulot c’est pourquoi Dieu nous a aidé. Aujourd’hui, on dit Alhamdoulilah. Je suis un artiste guinéen, connu et beaucoup écouté. Je fais partie d’un groupe d’artistes qui m’a beaucoup aidé. C’est les espoirs de Coronthie.
Vous avez été lead vocal des espoirs de Coronthie. Pourquoi de nos jours ce groupe n’existe que par le nom ?
Les Espoirs de Coronthie existent encore. Parce que nous chantons. Vous savez les fans et le public, peinent à comprendre une chose : Avant de parler d’un groupe, il faut savoir d’où vient-il. Donc les Espoirs de Coronthie viennent de loin et quand les guinéens disent que nous nous sommes séparés, moi je ne vois aucune séparation. Le groupe vit et nous existons. Pour preuves, Aly 100song est là, Macheté est en France certes, mais on s’entend bien. Tout se passe bien entre nous. Les gens doivent comprendre qu’on a droit de faire des albums solos parce que l’homme aussi grandit. Aujourd’hui chacun de nous à sa famille qu’il doit nourrir mais le groupe existe toujours. Il y’a même un clip des Espoirs de Coronthie qui vient de sortir. Nous sommes tous dedans. On est toujours avec nos amis. Au début nous étions au nombre de 14 personnes. Aujourd’hui nous ne sommes que 12. Deux (2) sont décédés (Laurent et Azibé). Et nous les 12 qui restons, on est tous là et chacun se débrouille.
En 2019/2020, vous avez chanté un morceau intitulé « Daddy mou pépou kolon ». Après vous avez eu des ennuis et vous avez enregistré des pertes. Que s’était-il passé ?
C’est ce qui fait le gros problème de ce pays. Vouloir chanter et vouloir chanter contre quelqu’un ce ne sont pas les mêmes choses. Moi j’ai chanté et le public a pris le morceau en le transformant. Moi j’ai chanté tout ce que j’ai vu dans mon pays, les difficultés des gens, les problèmes dans le pays…j’ai réfléchi pour produire ce morceau. Sinon Dady a été chanté depuis au temps de nos ancêtres. Et moi j’ai juste remixé et j’ai mis des vraies paroles dedans. Ce n’était pas contre quelqu’un mais plutôt pour mon public. Moi je fais partie du groupe des Espoirs de Coronthie qui défend la nation guinéenne. Moi je n’ai jamais pris parti pour un groupe, que ce soit le FNDC ou l’UFDG ; moi je suis du groupe les Espoirs de Coronthie. C’est la mauvaise foi qui avait empêché la tenue de mon concert parce que je n’avais pas chanté contre l’ancien président Alpha Condé mais les gens ont pris ça comme ça. J’avais beaucoup financé la sortie de cet album. Environ 100 millions. Mais après je me suis dit que chacun aura ce qui lui est prédestiné. Il y a un adage qui dit « si tu casses les œufs d’un oiseau sans casser là où il les pond cela veut dire tu n’as rien fait ». Donc, je suis là aujourd’hui et je vis très bien avec ma famille et mes amis. Et je fais encore de la musique.
Après la prise du pouvoir par le général Mamadi Doumbouya le 5 septembre 2021, votre ancien espace culturel « Fougou Fougou, Faga Faga » a été rasé. Comment avez-vous vécu cette période ?
C’était une décision de l’Etat. Comme toutes les terres appartiennent à l’État, donc il avait besoin du terrain où était FagaFaga Fougou Fougou, sinon on était là-bas officiellement. Donc, c’est pourquoi les autorités ont récupéré. On n’a toujours pas eu de local. On vient de créer un espace Fagafaga fougou fougou mais qui n’appartient pas aux espoirs de Coronthie. Il appartient à l’un des membres et des bonnes personnes et on a juste donné le nom. Le groupe n’a toujours pas eu un autre endroit.
Aujourd’hui vous évoluez en solo. Comment se porte votre carrière ?
Tout se pense bien. Je chante et je sors des maxi single et je suis actuellement en vacances en Guinée. Mon fils Mohamed Camara communément appelé MED-C aussi a commencé à chanter. Il a des tubes sur le marché donc c’est lui que je coache avec mon groupe et tout. En groupe et en solo ce n’est pas pareil. Je gagne plus en solo qu’en groupe. Un groupe composé de 14 personnes quelques fois vous gagnez beaucoup d’argent et quelquefois un peu. Donc, ce que vous gagnez après le partage ne peut pas vous satisfaire individuellement. Chacun de nous a une famille maintenant. Donc il faut une alternative pour ne pas encombrer le groupe. C’est pourquoi nous avons créé des tubes en solo.
Malgré la séparation les fans admirent toujours votre groupe. Est ce qu’on a espoir de revoir les Espoirs de Coronthie réunis comme avant ?
Le groupe s’appelle « Espoir » donc un jour on verra les Espoirs de Coronthie réunis, en train de chanter ensemble.
Quel regard portez-vous sur les artistes guinéens d’en ce moment ?
Aujourd’hui nous artistes guinéens, nous avons changé le feeling. On a laissé la culture guinéenne et tout a changé. Aujourd’hui tout le monde court derrière un rythme qui n’était pas joué comme avant. Tout a changé, les enfants s’inspirent moins. Si tu prends 10 morceaux guinéens tu verras que tous se ressemble, c’est le même rythme. Il n’y a aucune nouveauté. Pourtant, la Guinée regorge plein de rythmes. Seule la Guinée peut jouer sur scène avec 6 rythmes différents. C’était ça la beauté et la force de la culture guinéenne mais les nouvelles générations ne rééditent pas cela. J’ai pitié d’elles.
C’est pourquoi j’interpelle le ministère de la culture pour revoir cette situation. Je dis aux artistes guinéens que la musique c’est le respect et la considération envers les autres. L’injure n’est pas bonne dans la musique. Peut-être que les jeunes voient comme ça la musique mais pour nous les anciens, la musique doit conseiller les gens. Malheureusement la musique d’aujourd’hui n’indique pas la direction à suivre. Si ce ne sont pas des injures, c’est de la diffamation et tu ne peux même pas écouter les musiques d’aujourd’hui avec tes parents. Ça te donne des pensées négatives, or la musique doit te donner des pensées positives qui peuvent te faire rêver.
Êtes-vous en contact avec les autorités actuelles ?
Vous savez j’ai été la première personne à chanter Dady à cause de ce que je voyais dans le pays. Je crois que ce gouvernement de transition voyait ça. Ils ont fait ce que moi j’ai voulu faire. Tout ce que je fais c’est pour la jeunesse donc quand je vois un président ou une transition qui parle de jeunesse je les accompagne et je soutiens. Parce que, je pense qu’on a les idées pour aider la Guinée et donner de la force à la jeunesse guinéenne. C’est pourquoi j’aimerai que la jeunesse guinéenne réclame le travail au lieu de réclamer le Président. Je pense que cette transition a besoin d’idées comme demander au Président de donner du travail. Nous voulons travailler. Je n’ai pas de problème avec cette transition. Je voudrais plutôt conseiller à ses membres comment conduire ce pays. Vous savez, le l’Etat c’est la continuité. Si Alpha Condé n’a pas pu tout faire mais il a posé des jalons et si Doumbouya est en train de finaliser ça et après on dira que c’est Doumbouya. Organiser les élections et quitter ne dépendent que de lui à travers les actions qu’il pose pour le peuple de Guinée. Mais la décision finale reviendra à la population.
À part la musique, quelle autre activité Bouba Mengué exerce-t-il ?
Être artiste ou star ne veut pas dire que tu ne dois pas travailler. Travailler dans d’autres domaines permet à l’artiste de vivre longtemps. Moi je fais d’autres activités à part la musique. Je fabrique des instruments traditionnels de musique que je revends et je répare les instruments de mon groupe aussi. Si je suis en Europe je travaille avec les entreprises.
Quel regard portez-vous sur le BGDA ?
Ce que les artistes guinéens ne comprennent pas, l’artiste est payé en fonction de ses écoutes. Donc si tu n’es pas écouté et que tu pars au BGDA, tu ne peux pas percevoir les mêmes primes que ceux qui sont plus écoutés que toi même s’il y a d’autres choses qui se passent au sein du BGDA. Quand tu es beaucoup écouté, tu auras beaucoup de sous. Si le BGDA travaille de manière honnête paye les droits d’auteurs aux artistes, personne ne va se plaindre. Mais si tu vois la manière dont on distribue l’argent au BGDA ! Non ce n’est pas comme ça, qu’on doit procéder. On doit respecter les artistes et normalement un artiste ne doit pas aller s’arrêter là-bas à l’ancien pour récupérer son argent. Chaque artiste doit recevoir son argent dans son compte bancaire. Comme ça, il n’y aura pas de discussions.
Tant que cela n’est pas modernisé, il y aura toujours des cris. Moi je n’ai pas beaucoup travaillé courant 2023, donc quand j’ai reçu pour moi j’ai directement partagé au BGDA et je suis reparti. Ça dépassait les 1 million mais je ne suis rentré chez moi avec aucun franc. Des sommes comme ça je préfère partager car moi j’ai besoins des grosses sommes sur mon compte.
Soutenez-vous le président de la transition ?
Je demande à la jeunesse guinéenne de se référer. La référence fait la valeur d’un Homme et quand on oublie ça, on perd son repère. Aimons-nous vivants, c’est très important. Au général Mamadi Doumbouya dans son temps, je lui demande d’être positif envers son peuple. Que tu sois imam, ministre, directeur, journaliste… c’est juste un temps. Qui était meilleur que le feu ABD ? Il a fait son temps et il est parti. Qui était plus fort que Feu Ahmed Sékou Touré ? Il a fait son temps. Donc aujourd’hui c’est Doumbouya respectons-le et restons derrière lui. Et il n’a qu’à faire son temps mais positivement.
Source : Africaguinee.com