Abidjan, 3e capitale du reggae ? Spyrow ne croit plus (Interview)

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On vous propose la suite de l’interview de Spyrow dont la première partie a été publiée la semaine passée. Ce mardi, on vous fait lire sa réaction sur le positionnement du reggae ivoirien dans la sous-région, sa participation sur l’album posthume du reggae man guinéen, feu Abdoul Jabbar, les coups d’Etat en Afrique et l’embargo sur le Mali.  

Ci-dessous, lisez la suite et fin de cet entretien.

Tabouleinfos : Vous êtes un artiste reggae ivoirien. Dites-nous quelle place occupe le reggae ivoirien dans la sous-région?

Spyrow : Le reggae ivoirien a une force dans la sous-région, cela est clair et nul ne peut le contester. Dans la sous-région, quand on parle du reggae, la capitale c’est Abidjan. Mais le reggae est en train de se déporter. Je suis content de cela. Aujourd’hui, quand je pars en Guinée, je vois qu’il y a une nouvelle génération qui est à fond dans le reggae music. Mais en Guinée, ils sont plus dancehall. Un style qui est la tendance, une dérivée du reggae. Quant à la Côte d’Ivoire, il y a un peu de dancehall, mais les gens sont plus root. Parce qu’ils ont gardé la racine et ils ont trouvé que nos devanciers sont restés root comme Alpha Blody, Tiken Jah, Ismaël Isaac et autres. Donc c’est un public ivoirien qui est resté root dans la tête. Mais il y a une nouvelle génération qui est en train d’imposer le dancehall. Les gens disent que nous sommes la troisième capitale reggae. Il ne suffit pas de le dire, il faut que ça se justifie dans les sondages. C’est sur quelle base on le dit. C’est vrai que dans la sous-région quand on dit reggae music, c’est la Côte d’Ivoire. Cela est incontestable, mais mondial, je ne sais pas sur quoi les gens se basent. Parce qu’on ne peut pas dire qu’on est la troisième capitale mondiale, on n’a pas d’émission reggae à la télé, ni un magazine qui fait la promotion de la musique reggae, non plus un festival reggae. On avait un festival reggae, mais qui a malheureusement avorté. Pour moi, c’est des preuves qui doivent signifier qu’on est troisième capitale mondiale du reggae. On ne l’est pas. Aujourd’hui, il y a combien d’artistes reggae qui peuvent remplir le palais de la culture. Alpha Blondy et Tiken Jah n’ont plus le public d’ici. Il y a beaucoup de reggae men qui ne pourront plus affronter le palais de la culture, parce qu’il n’y a pas les moyens qui vont avec. Il y a le système qui s’en suit… Il y a tellement de problèmes. L’histoire de troisième capitale mondiale du reggae, je ne crois plus. Avant c’était le mythe qui était dans la tête des gens. Actuellement, je suis concentré à autre chose.

Tabouleinfos : Tout récemment, vous aviez été invité sur un titre de l’album posthume d’Abdoul Jabbar. Dites-nous ce que vous pensez de ce chanteur guinéen et quel a été votre état d’âme quand vous aviez appris son décès?

Spyrow : La mort d’Abdoul Jabbar a été un gros choc, parce que quand je suis allé à Conakry, j’ai eu à le rencontrer avec Ras Condel de Baobab Spirit. Le contact est vite passé. On avait fait un morceau ensemble qu’on a appelé ‘’Mama Africa’’. Ça a été un super projet. Quand Ras Condel m’a dit qu’il est en train de produire Abdoul Jabbar, je lui ai fait savoir que c’est intéressant. Après quand j’ai appris l’AVC qu’il a eu et le décès de son père, la situation a fait un gros choc. Donc l’idée de Ras Condel de lui rendre hommage en me faisant intervenir sur ce projet pour donner une autre couleur à cet album, c’était un devoir moral d’apporter notre modeste contribution pour soutenir la famille artistique du côté de la Guinée et sa famille biologique, sans oublier Ras Condel qui s’est investi pour ce projet. Je vais profiter de cette interview pour souhaiter mes condoléances aux artistes guinéens. C’est un frère qui était super sympa, honnête et franc. Il aimait le boulot. Il était passionné. Je garde le côté positif qu’on a passé ensemble.   

Tabouleinfos : En tant qu’artiste reggae africain, quelle lecture faites-vous sur les coups d’État au Mali, au Burkina Faso et en Guinée. Mais aussi l’embargo de la CEDEAO sur le Mali?

Spyrow : Il est fort de constater que tout ce qui se passe dans la sous-région est le résultat de la mauvaise gestion politique de nos dirigeants africains qui votent les lois dans leur intérêt et transforment leurs pays en royaume, en monarchie. Quand on dit qu’il y a un coup d’Etat au Mali et que le peuple soutient, ça veut dire qu’il y a un problème. Normalement, quand il y a un coup d’Etat, le peuple doit descendre dans la rue pour protester. Mais quand le peuple soutient, c’est pour dire qu’il en a marre. C’est le cas en Guinée. Quand on veut violer la loi sans respecter la volonté du peuple, c’est ce résultat qui est là… La France qui est là et qui fait deux poids deux mesures, cautionne les coups d’Etat  et les violations de la constitution. Parce qu’elle a son intérêt devant. Et la CEDEAO pour moi, qui n’est même pas un exemple, parce qu’elle, c’est une communauté d’opportunistes et d’hypocrites. Voilà, ils ne font que défendre les intérêts de la France. Ils sont comme des marionnettes qui sont guidés par la France ou l’Union Européenne qui les impose les règles. Donc eux ne servent pas de grand-chose. La CEDEAO n’est pas une instance qui peut faire la morale ou donner de bon exemple. Car ils ne sont pas exemplaires. Au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, il y a plein qui ont violé la constitution et cautionné des coups d’Etat. Décider de mettre l’embargo sur le Mali, pour moi c’est comme s’autocensurer. Parce que les pays de la sous-région ne produisent pas tout. Le Mali a aussi ses richesses. Quand on met un embargo, ce n’est pas les dirigeants qu’on condamne, mais plutôt tout le peuple. Le peuple n’a rien demandé, il aspire à un avenir meilleur, à des conditions sécuritaires et autres. Aujourd’hui, on se concentre sur une élection au Mali alors que l’urgence c’est de régler le problème de sécurité. Car les gens ne peuvent pas être dans une zone où ils ne pourront pas voter et leur demander de faire une élection dans une insécurité. Selon moi, c’est un mauvais calcul que les dirigeants de la CEDEAO font. On comprend tous que derrière tout cela, il y a une pression tapie dans l’ombre qui les dirige. Mettre de l’embargo sur le Mali, c’est du gros n’importe quoi. Mais Dieu merci, le peuple malien soutient ses dirigeants. Je ne cautionne pas les coups d’Etat, mais c’est les résultats de la mauvaise gestion des dirigeants à qui le peuple a confié tout son destin et qui ne pensent qu’à leurs familles. Avec tout ce qui se passe, c’est un message qu’on envoie à nos gouvernants pour dire que les données ont changé. On n’est plus à l’ancienne génération. Aujourd’hui, l’internet est là, ils s’informent et se cultivent. Ils savent ce qui se passe. Donc si les dirigeants veulent le soutien du peuple, il faut qu’ils travaillent.

Tabouleinfos : Le mot de la fin!

Spyrow : Mon mot de fin, je dirai merci à Tabouleinfos.com. Merci pour tout ce que vous apportez à la culture en Guinée et en Afrique. Force à vous et big up à tous vos lecteurs. Je demande aux internautes de s’abonner à votre page, parce qu’il y a de contenus. De temps en temps, je vais cliquer. Je vois que c’est intéressant et puis, restez professionnel et toujours bien dans vos bottes. Faites le job comme ça se doit. Big up à vous ! On est ensemble.

Aboubacar Fodé Bangoura

 

 

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