Interview/Jah Max Mara : « Le reggae guinéen se porte très mal »

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Jah Max Mara est le pionnier de la musique reggae en Guinée.  Dans sa discographie, figurent quatre albums, notamment : ‘’Ninja’’ ‘’Allah Wahidou‘’  ‘’Réveillez-vous’’ et ‘’Bulldozer’’. Le 16 août 1997, il a sorti le premier album reggae sur le marché, baptisé ‘’Ninja’’.  Silencieux depuis plusieurs années, l’équipe de Tabouleinfos.com a tendu son micro à ce premier reggae man guinéen pour connaitre les raisons de son silence. Mais aussi recueillir ses propos sur la place qu’occupe le reggae guinéen dans la sous région.

Ci-dessous, lisez cet entretien !

Tabouleinfos : Jah Max Mara est le premier reggae man guinéen à sortir un album reggae sur le marché. Parlez nous de cette expérience ?

Jah Max Mara : Ce n’est pas une expérience. Je ne savais même pas que c’est moi qui ai sorti le premier album reggae  guinéen. C’est à la sortie de l’album que j’ai entendu dans les médias (radio et télé). Jeannot Williams, actuel Directeur national du ministère de la Culture et du Patrimoine Historique qui le disait dans l’émission ‘’Solo Mondial’’, feu ABD (Paix à son âme) qui parlait toujours de moi, en disant que c’est un jeune qui risque d’être le premier reggae man Guinéen. Après la sortie de cet album, Jeannot Williams disait c’est le premier album reggae de la République de Guinée. Evidemment, avant moi, il n’y avait aucun album reggae sur le territoire guinéen. Cet album s’appelle ‘’Ninja’’.

Tabouleinfos : Qu’est-ce que l’album ‘’Ninja’’ vous a apporté ?

Jah Max Mara : Cela m’a apporté de la joie, parce que ça instaure mon nom dans l’histoire de la musique reggae en Guinée. Parce que pour compter de un jusqu’à l’infini, il faut toujours commencer par un. Donc c’est une fierté pour moi.

Tabouleinfos : En tant que pionnier du reggae en Guinée, qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce genre musical ?

Jah Max Mara : J’ai commencé par la danse dans les années 1983. Aux Etats Unis, il y a eu le rap, le break dance avec les Michel Jackson. On a commencé à faire le rap. C’est ainsi que j’ai pris le micro au hasard. On était nombreux en Guinée, Bill de Sam, MC Djon,  Hamid Chanana… J’aimais écouter Bob Marley, Burning Spear. Suite à cela, j’ai vu un africain qui faisait le reggae, ‘’Toure Kunda’’, Alpha Blondy. C’est des artistes qui font du reggae en chantant dans leur langue. Cela m’a inspiré. Je m’étais dit que je peux faire la même chose. C’est ainsi que j’ai abandonné le rap pour enregistrer ma première chanson reggae que j’ai fait avec Mic Paraya Balde. C’est lui qui a fait la programmation. Après l’enregistrement de ce titre, j’ai été applaudit partout dans les concerts. Cela m’a poussé à continuer à faire le reggae.  Je suis parti en Sierra Leone, j’ai fait la  connaissance avec le groupe musical ‘’Flems’’, Silan Koutchi, Pablo Fine. Je suis revenu en Guinée avec eux. J’ai fait mon premier album au studio de BBC de Bangoura à la Belle Vue. L’album est sorti le 16 août 1997.

Tabouleinfos : Il y a plusieurs années que vous n’aviez pas sorties d’album sur le marché. Pourquoi ce long silence ?

Jah Max Mara : En 2001, j’ai sorti mon deuxième album où j’ai rendu hommage au feu président Ahmed Sekou Toure. Après Hadja André Touré, la femme du président Ahmed Sekou Toure. Elle m’a recommandé à Salif Keita. Je suis parti au Mali. J’ai fait trois à quatre ans avec cet artiste malien. J’ai signé un contrat avec son label ‘’Wanda Records’’. Malheureusement, je n’ai pas pu continuer le travail avec cette maison de production, parce que le calendrier de Salif Keita était chargé. Mon troisième album a été produit par lui au Mali en collaboration avec la maison de production  ‘’Seydoni Mali’’.  Ce disque est sorti à Bamako et à Guinée. Il y a eu un quatrième album ‘’Le Bulldozer’’. J’ai eu beaucoup de difficultés avec cet album à la plage de Rogbane. A travers un ami qui est très proche de moi, j’ai eu des problèmes avec le pouvoir militaire au temps de Capitaine Moussa Dadis Camara. Cela m’a poussé à reculer un peu, parce que la dédicace de mon album a été avortée deux fois. Cela m’a découragé. J’étais déçu de mon entourage. Si ton propre ennemi est juste à côté de toi. Tu te confie à un ennemi en le prenant pour un bon ami, c’est dangereux. Depuis 2008 jusqu’à nos jours, je n’ai pas sorti d’album. Mais actuellement, j’ai un double album qui est déjà prêt. Je dois le lancer très bientôt. Je suis en train de réaliser les clips. Mon album qui n’était pas sorti en 2008, j’ai ajouté un autre album sur ça pour avoir un double album. Chaque disque comporte douze (12) titres. Présentement, je suis à la recherche d’un distributeur. Je promets à mes fans, qu’ils verront bientôt Jah Max sur scène. Ils écouteront mes musiques  avec plein de messages positifs. Le temps de silence que j’ai fait, je ne suis pas resté loin de la musique. Je fais de la musique avec les jeunes. Je fais des arrangements pour les artistes. A travers mon émission ‘’Reggae Tempo’’, je fais la promotion des jeunes reggae men. Je fais des clips pour les jeunes artistes…  

Tabouleinfos : De la musique à l’animation culturelle à la RTG, pourquoi cette aventure ?     

 Jah Max Mara : J’étais invité dans l’émission ‘’Grand Public’’ de la télévision nationale présentée par Mohamed Max Camara. J’ai fait ma prestation. Le Directeur d’alors, Yamoussa Sidibé y était. Quand j’ai fini de jouer, il est venu me voir en me disant ‘’j’aimerai bien que tu viens faire une émission reggae à la télévision nationale. Parce que tu as beaucoup fait pour la musique reggae en Guinée. Ensuite, tu es le président du Mouvement des Rastas de Guinée (le MOURAG)’’ Je lui ai dit que je ne peux pas, parce que je ne suis pas journaliste culturel. Il m’a dit ‘’Non ! Tu peux, je t’ai vu jouer sur scène. Tu étais en contact avec le public. Tout le monde était content. Donc tu peux le faire’’… C’est ainsi que j’ai créé mon émission ‘’Reggae Tempo’’ à la RTG. J’ai commencé à animer cette émission en 2014 à la télévision nationale. Je l’avais arrêté suite à ma maladie, mais aussi le décès de ma femme et j’ai perdu ma maman. Je vais bientôt la reprendre.

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Tabouleinfos : Comment se porte le reggae guinéen dans la sous région ?  

Jah Max Mara : Le reggae guinéen se porte très mal. Franchement, depuis que nous (première génération) avons quitté sur la scène. On a tous laissé le terrain vide jusqu’aujourd’hui. Il y a eu beaucoup d’artistes en Guinée, mais on a vu que Takana Zion et Elie Kamano.  Elie a arrêté, mais Takana continue. Il fait des bonnes chansons reggae. Donc si je dis que le reggae guinéen se comporte mal dans la sous région, c’est dans ce sens. Sinon je suis fier de Takana Zion. Sa musique est parti très loin…

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Tabouleinfos : Qu’est-ce qu’il faut pour que le reggae ait une grande visibilité en Guinée et d’ailleurs ?

Jah Max Mara : Nous cherchons à se donner la main pour voir comment instaurer un festival du reggae en Guinée. Puisque ça se fait dans tous les autres pays. Nous avons monté un projet. Nous allons bientôt commencer les démarches. C’est coronavirus qui nous a empêchés. Sinon ça allait trouver qu’on a déjà fait une première édition. Donc attend la fin de la crise sanitaire pour pouvoir commencer les activités.

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Aboubacar Fodé Bangoura

 

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