« Le Monde de demain » : tournage d’une série sur NTM

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Coproduite par Arte et Netflix, Le Monde de demain est une série racontant l’émergence du hip hop au début des années 1980, autour d’un noyau dur, le groupe de rap légendaire Suprême NTM. Reportage sur le tournage d’un feuilleton nimbé de nostalgie et de hardcore.

Paris, lundi 31 mai 2021. Cette nuit marque la fin du tournage de la série Le Monde de demain, après 83 jours de shooting intensif. Sur ce quai de Seine où tombe la nuit, les deux réalisateurs s’affairent avec un JoeyStarr de 19 ans, venu titiller son futur acolyte Kool Shen, en pleine activité graffiti.

Les réalisateurs Katell Quillévéré et Hélier Cisterne vivent encore sous la tension de ces dernières semaines. « C’est un peu émouvant, avec la fatigue cumulée on devient émotif » confirme Hélier. « C’est une scène d’avant le début de l’histoire NTM avec le graffeur Bando, Chino, avant que le groupe n’existe. L’invasion de Paris commence, sur les bords de Seine. Et on ne va pas avoir assez de temps ».

L’économie d’une série n’est pas celle d’un long-métrage, mais il semblerait que les conditions obtenues étaient suffisantes pour espérer de la qualité à l’image. L’équipe est joviale, le tournage s’achève dans les temps pour une diffusion courant 2022, au printemps sûrement, d’abord sur Arte, puis sur Netflix trois semaines plus tard. Donc bien après Suprêmes, le film d’Audrey Estrougo avec Théo Christine/Joey et Sandor Funtek/Shen, dans les salles de cinéma en novembre 2021. Katell n’a pas de problème avec ça. « C’est l’entrée, nous on est le plat principal ! » balaie-t-elle d’un revers de la main, quelques minutes avant le début d’une longue nuit.

JoeyStarr consultant

La scène vient d’être répétée, et voilà que débarque le « vrai » Joey, Didier Morville, sur sa petite moto. « Ça va les tarlouzes ? » Oui, c’est du pur Didier, qui ne va d’ailleurs pas se priver pour donner son avis sur le décor, l’ambiance, les dialogues. Logique : il est aussi partie prenante de l’histoire.

« Au départ, j’étais consultant en lecture et d’un seul coup, ils m’ont greffé en scénario et dialogues, ça a matché et on a continué. Je les laisse aussi respirer, quand ils étaient sur les scènes avec Dee Nasty, je n’étais pas sur leur paletot. Je suis plus intervenu sur les scènes à Saint-Denis, Shen et moi, tout ça. Il y a forcément des anachronismes, comme dans le film, parce qu’il y a des enjeux d’action. Mais je veille au grain pour qu’il y ait de l’authenticité. Je fais un peu l’ingénieur des travaux finis, mais je le fais bien ! Là je me suis tapé une journée de répétitions de théâtre. Je suis défoncé, je recommence demain matin, mais je suis là au possible. Le truc intéressant, c’est qu’ils sont généreux les petits, ils ont la tête dans le guidon. Ils s’amusent de plus en plus, ils sont pris par le truc, quoi. J’essaie de les accompagner au mieux, qu’ils n’aient pas l’impression d’être juste avec les réalisateurs. Les réals, bam, je ne les connaissais pas, je les appelais les boy-scouts, les pieds carrés, Heckel & Jeckel… Je suis un casse-couille ! (Rires) On a appris à se dompter. Ils ont compris que je faisais mon possible, on se parle au téléphone, quand je viens sur le tournage, je sais exactement ce qui va se passer. Après il y a le scoring, je leur ai mis Cut Killer dans les pattes ».

Hélier confirme l’implication du Jaguar Starr à la fabrication de ce Monde de demain des années 1980. « Quand tu as une génération qui a envie de regarder dans le rétroviseur, ça devient de l’histoire. Didier et Bruno avaient un droit de regard. On avait négocié le fait qu’ils n’aient pas non plus un droit de veto, pour que ça ne puisse pas arrêter la production à cause de problèmes d’égo ou de susceptibilité. Nous, on savait qu’on n’avait pas cette légitimité. On leur a dit qu’on voulait raconter une histoire. On était une page blanche, on n’avait pas d’a priori. Ça a été beaucoup de rencontres. On n’a jamais rompu le lien avec eux, quelle qu’ait été la difficulté des échanges ». On n’en saura pas plus sur ces échanges.

Mais au fond, heureusement que la mise en orbite d’une série de cinq heures sur un sujet aussi générationnel soit le résultat de confrontations. Une des questions que durent se poser les réalisateurs était celle d’Assassin, le groupe fondé par Rockin’ Squat et Solo. Hélier : « Solo nous a beaucoup aidés, on a tout fait pour représenter le rôle pionnier d’Assassin. Il y a un personnage inspiré de Rockin’ Squat, et il y a Solo. On est en négo. On a deux versions possibles de l’histoire, on espère de tout cœur qu’on aura La Formule secrète (titre du groupe datant de 2010, ndlr). On n’est sûrs de rien. J’ai eu Squat au téléphone, je lui ai expliqué que même si notre vision n’était pas la sienne, on voulait raconter que NTM se foutait de la gueule d’Assassin en disant que c’était n’importe quoi alors que ce morceau était mythique, d’une modernité absolue. Dee Nasty aussi est très important dans la série ».

Le posse de retour

Devant le mur de graffitis, une demi-douzaine d’acteurs et autant de techniciens. Derrière les caméras, loin derrière, on retrouve l’ancienne garde NTM. Il y a là le danseur Réak, et le choriste Yazid, deux des membres du posse, comme on disait à l’époque, présent sur la couverture du premier album de NTM Authentique, en 1991.

Il y a aussi l’acteur scénariste Constantine Attia, et en discutant avec l’équipe on apprend que DJ S, porté disparu depuis le second album 93 J’Appuie sur la gâchette, a participé à un morceau de la BO. Le genre de petit scoop old school qui fera sourire tous ceux qui avaient perdu la trace du taciturne DJ du Suprême NTM.

Pour sélectionner les acteurs de la série, Katell raconte avoir pris son temps. « Ça a pris un an et demi, surtout en casting sauvage. On voulait se donner la possibilité de trouver des gamins qui avaient le même ADN que NTM.  On cherchait un footeux pour Shen, un danseur pour Joey, on a sillonné les banlieues françaises, les réseaux sociaux aussi. Melvin/Joey, il n’avait jamais joué de sa vie. Il a grandi dans le hip hop, c’est un breaker devenu danseur debout, et pour le rôle il s’est coaché en rap, en graff et en jeu. Il a travaillé six mois, il a 19 ans. Il a passé du temps avec Didier, c’est un bosseur. Il connaissait NTM parce que son père écoutait NTM. Par contre, c’est vrai que pendant le casting, on n’a vu que des gens de 17 à 23 ans, dont la plupart ne connaissaient pas NTM. C’est incroyable ».

S’il est clair que Validé de Franck Gastambide a ouvert les vannes, le film Suprêmes et la série Le Monde de demain sont la deuxième tentative de faire entrer le monde du hip hop chez les généralistes. Entre temps, JoeyStarr a fait, 8,5 millions de téléspectateurs en prime time sur TF1 avec la série Le Remplaçant. Le jaguarr a fait son chemin. Sa musique aussi.

A lire sur : musique.rfi.fr

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